Portes Ouvertes tire la sonnette d’alarme après l’agression d’un groupe de chrétiens iraniens et le meurtre de l’un d’entre eux dans le camp de Grande Synthe en décembre dernier.
Parmi les milliers de migrants qui ont fui le Moyen-Orient pour gagner l’Europe, les chrétiens réalisent qu’un fardeau hélas familier les a suivis : la persécution en raison de leur croyance. Le phénomène a été observé en divers lieux à travers l’Europe, y compris dans le camp de Grande Synthe dans le Nord de la France près de Dunkerque, où des Iraniens convertis ont été la cible de migrants originaires d’Irak.
Dans la nuit du 14 décembre 2015, une agression à l’arme blanche a fait plusieurs blessés parmi les chrétiens. L’un d’eux, Mohammed (19 ans) a été tué. La police de secteur a été informée et une enquête est en cours.
Une des victimes de cette agression, un homme de 29 ans qui souhaite garder l’anonymat a expliqué : « La mafia kurde s’oppose généralement aux chrétiens. Lorsqu’on confie notre argent aux passeurs pour qu’ils nous aident à gagner l’Angleterre, non seulement ils ne nous aident pas mais ils nous le volent et ne nous rendent rien. Ensuite, ils nous attaquent en nous traitant de sales infidèles. Ils m’ont agressé au couteau et ont tabassé mes amis. »
Inacceptable
« Ces conditions pourraient être améliorées, si les migrants qui s’intéressent au christianisme pouvaient le faire en toute sécurité », a déclaré Michel Varton, directeur de Portes Ouvertes France, association au service des chrétiens persécutés dans le monde à cause de leur foi.
« De nombreux chrétiens parmi les réfugiés fuient la persécution et la discrimination. Ils sont déjà traumatisés par leur terrible épreuve au Moyen-Orient. Imaginez leur désespoir quand, une fois en France, ils souffrent de la même discrimination et de la haine de la part d’autres migrants. Les églises locales se sont dévouées pour aider les réfugiés, qu’ils soient chrétiens ou qu’ils s’intéressent à la foi. Les autorités doivent leur permettre d’avoir à leur disposition de simples bâtiments où ils pourraient se réunir et célébrer Dieu en toute sécurité, et garantir la liberté de croyance dans les camps. Il est absolument inacceptable qu’en France, quelqu’un perde la vie à cause de sa foi. »
Fortes inquiétudes
Selon Philippe Dugard, pasteur de l’Église Évangélique du Littoral (EEDL), dans la ville voisine de Saint-Pol-sur-Mer « entre novembre et décembre, il y avait là un groupe d’Iraniens qui ont déclaré leur foi en Christ, et qui ont commencé à fréquenter notre église. Certains sont orthodoxes, tandis que d’autres se disent chrétiens, sans s’être vraiment convertis. Mais nous avons fait connaissance, et nous pensions qu’ils avaient une réelle soif spirituelle. Et puis un soir (le 14 décembre 2015) nous avons appris que deux d’entre eux avaient été poignardés, et qu’un troisième avait disparu. Alors, nous avons décidé qu’en tant que chrétiens, nous ne pouvions pas les laisser seuls dans cette situation, et les victimes elles-mêmes nous ont dit qu’elles ne voulaient plus rester dans le camp, car elles se sentaient menacées. »
Cet incident a marqué le début du soutien de l’EEDL aux migrants persécutés. Les jours suivants, les victimes de persécution ont été placées dans des hôtels, avant d’être conduites à l’Armée du Salut de Dunkerque, la ville la plus proche du camp.
Une tension constante
Trois mois après l’agression contre les migrants iraniens, la tension a baissé, selon le pasteur Philippe Dugard. La plupart des victimes des attaques de décembre sont parties. Certains sont parvenus à gagner l’Angleterre, leur destination de prédilection, alors que d’autres, lassés d’attendre une traversée hypothétique faute de moyens, sont rentrés en Iran. D’autres encore sont partis vers d’autres destinations européennes, avec l’espoir d’atteindre l’Angleterre différemment.
Un cocktail explosif
Les différences ethniques provoquent des tensions dans le camp entre Irakiens et la cinquantaine d’Iraniens présents. Les milliers de Kurdes irakiens sont en majorité musulmans, alors que parmi la minorité iranienne se trouvent des chrétiens. Certains d’entre eux fréquentent les églises des alentours en secret, par crainte des migrants et des trafiquants musulmans, qui exercent une forte influence dans le camp. Les raids nocturnes, les vols et la violence font partie des menaces courantes.
Certains craignent que des membres de l’organisation État islamique ne soient infiltrés parmi les migrants, avec des intentions de radicalisation et pour imposer la charia dans le camp.
Situé dans le Nord de la France, à proximité de la mer du Nord, le camp de Grande Synthe accueille entre 2 500 et 3 000 migrants, pour la plupart des Kurdes d’Irak et de Syrie, mais aussi des Iraniens. En ce début de mois de mars, les migrants ont commencé à être transférés dans un camp humanitaire à quelques km de là.